Dézinguer les neuromythes
Alban est enseignant de Physique Chimie dans un lycée dans l'est de la France.
Tous les ans, pendant la semaine de la science, il convie ses élèves, ses collègues et les parents d'élèves à des ateliers pour dézinguer les neuromythes .
Il est particulièrement remonté contre la popularité des styles d'apprentissage, tant dans la population générale qu'auprès de ses collègues.
C'est l'idée selon laquelle nous apprenons mieux si la formation que l'on suit s'appuie sur nos préférences d'apprentissage, qui sont soit visuelles, auditives ou kinesthésiques.
Attention, il n'est pas devenu dézingueur du jour au lendemain !
Il les a même défendus, les styles d'apprentissage. Plus vous en entendez parler et plus vous avez envie d’y croire.
Et puis il y a cette anecdote aussi. Pour expliquer une notion à un de ses élèves qui ne pipait rien, il a commencé à dessiner un schéma au tableau. Les yeux de l'élève se sont éclairés...
Bim bam boum, il avait compris. Et pourquoi ça ?
Et bien tout simplement parce que cet élève était " VISUEL ".
Pour apprendre, rien ne servait de tester autre choisi, il suffisait donc de lui faire faire des dessins ! Je schématise (ah ah ah) un peu pour les besoins de la narration, mais vous voyez ce que je veux dire :
Alban a expérimenté lui-même le bien fondé des styles d'apprentissage. Pourquoi les remettretrait-il en question ?
On appelle ça un biais cognitif en l'occurrence le biais de confirmation.
Il se trouve qu'Alban est très intéressé par les neurosciences et qu'il aime bien lire des articles sur ces sujets, surtout quand ça traite d'éducation. Il est curieux aussi, il faut bien le dire !
Et il suffit de creuser, un peu, pour trouver des articles qui remettent en cause bon nombre de ce qu'on appelle aujourd'hui des neuromythes.
A côté des styles d'apprentissage, il y a :
on utilise que 10% de notre cerveau
écouter la musique de Mozart rend plus intelligent ( l'effet Mozart)
plutôt cerveau droit ou cerveau gauche ?
Les femmes sont davantage multitâches que les hommes
...
On n'a pas 3 heures devant nous, restons concentrés sur les styles d'apprentissage.
Si j'ai choisi ce sujet aujourd'hui, c'est que je vois encore régulièrement passer des articles, des posts sur les réseaux qui abordent cette question en laissant penser, et c'est bien ça le problème, qu'on apprend mieux si on travaille selon notre style d'apprentissage, prédéfini une fois pour toute.
Et c'est faux.
L’hypothèse selon laquelle on apprend mieux quand l’information est présentée dans son style d’apprentissage « préféré » ou « dominant » a fait l’objet de nombreuses études scientifiques.
Aucune étude, jusqu’ici, n’a réussi à prouver cette hypothèse.
Oui, parce qu'attention, tout cela ne veut pas dire que nous n'avons pas de préférences !
Vous pouvez préférer écouter vos cours plutôt que les lire.
Ceci n'est pas remis en cause.
Par contre, il est important de ne pas être "enfermé" dans cette préférence.
A l'heure de la digitalisation, dans cette période ou on parle beaucoup d'individualisation, de personnalisation de la formation, la notion de style d'apprentissage peut prêter à confusion.
Certaines applications, certains outils sont promus et vendus selon ces préceptes...C'est facilitant de pouvoir mettre les gens dans des cases, non ?
Une étude de 2017 nous montre que croire en ces neuromythes est non seulement faux, mais aussi délétère. Cela encourage les élèves à se focaliser uniquement sur leurs forces.
Nous pouvons tous nous améliorer dans les approches visuelles, verbales et autres en les pratiquant et cela contribue à la réussite globale.
C'est le message qu'Alban fait passer pendant la semaine de la sciences : il voit certains élèves s'épanouir entre la seconde et la terminale parce qu'ils dépassent des idées préconçues qu'ils avaient sur leurs propres capacités à apprendre.
Heureusement, les sciences cognitives ont identifié plein d'autres méthodes pour améliorer l'acquisition des connaissances, et ces techniques ont un avantage assez universel.
En vrac : les étudiants réussissent mieux :
lorsqu'ils espacent leurs sessions d'étude dans le temps,
quand ils expérimentent le matériel sous plusieurs modalités,
quand ils se testent sur le matériel dans le cadre de leurs pratiques d'étude et élaborent sur le matériel pour établir des liens significatifs plutôt que de s'engager dans des activités qui impliquent une simple répétition d'informations (par exemple, faire des flashcards ou recopier des notes).
Ces stratégies efficaces ont été identifiées il y a des décennies et ont un soutien empirique fort et convaincant.
Pourquoi alors persistons-nous dans notre conviction que les styles d'apprentissage sont importants et ignorons ces techniques éprouvées ?
Informons nous, soyons curieux !
Et partageons !
Quelques sources :